Y aura-t-il "très majoritairement" de la neige naturelle dans les Alpes pour les JO d’hiver 2030 ?

Jeudi 30 novembre, le président du Comité national olympique français a assuré qu’il y aura de la neige dans les Alpes en 2030 et qu’elle sera « très majoritairement » naturelle. Le massif est le seul candidat retenu pour accueillir les Jeux olympiques d’hiver.

person skiing on snow at daytime

Sans rebondissement, les Alpes françaises accueilleront les JO d'hiver du 8 au 24 février 2030. Photo : Léonard Cotte/Unsplash

Sans rebondissement, les Alpes françaises accueilleront les JO d'hiver du 8 au 24 février 2030. Photo : Léonard Cotte/Unsplash

Neigera ou neigera pas dans les Alpes du 8 au 24 février 2030 ? Le président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), David Lappartient, espère que oui, puisque la France a été retenue mercredi 29 novembre pour accueillir les Jeux d’hiver dans sept ans. Plus étonnant, il l’assure :"Il y aura de la neige, très majoritairement de la neige naturelle", a-t-il déclaré sur France Info, le lendemain matin. Invité de la matinale de RMC le même jour, Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca), s’est lui aussi porté garant de la météo alpine : "Nous avons fait une étude qui permet de dire qu’on aura de la neige [dans nos montagnes] au moins jusqu’en 2050".

"Renaud Muselier n’est pas un prophète, tacle Fabienne Grébert, co-présidente des groupes écologistes de la région Paca, qui pointe l’incohérence écologique des Jeux. On a aucune certitude qu’il y aura de la neige naturelle dans les Alpes en 2030. Affirmer le contraire est au mieux de l’inconscience, au pire du mensonge." L’élue se rappelle de la Coupe du monde de biathlon en 2022 au Grand-Bornand, en Haute-Savoie. Le vert des sapins contrastait avec la blancheur éclatante des pistes. Faute de neige naturelle, les organisateurs avaient été contraints d’acheminer de la neige artificielle en semi-remorques.

Que dit l'étude sur laquelle s’appuie Renaud Muselier ?

L’étude mentionnée par Renaud Muselier a été commandée par le conseil régional Paca à ClimSnow, un service climatique porté par Dianeige en partenariat avec l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l’environnement (Inrae), Météo France et le CNRS.

Elle donne par exemple au domaine skiable de Serre-Chevalier (Hautes-Alpes) un indice de fiabilité de l’enneigement de 88 % en 2050, contre 93 % en 2020. La station devrait accueillir les épreuves de snowboard en 2030.

Indices de fiabilité de l’enneigement pour le scénario RCP8.5, développé par ClimSnow : Q20 de la période historique (1986- 2015)avec les installations existantes, Q50 de 2020 avec les installations existantes, Q50 de 2050 avec prise en compte des projets futurs. Les indices correspondent à la configuration "perches" si la station dispose de neige de culture et à la configuration "damage uniquement" si la station ne dispose pas de neige de culture.

Indices de fiabilité de l’enneigement pour le scénario RCP8.5, développé par ClimSnow : Q20 de la période historique (1986- 2015)avec les installations existantes, Q50 de 2020 avec les installations existantes, Q50 de 2050 avec prise en compte des projets futurs. Les indices correspondent à la configuration "perches" si la station dispose de neige de culture et à la configuration "damage uniquement" si la station ne dispose pas de neige de culture.

Y aura-t-il de la neige pour les JO 2030 ?

"Prévoir s'il va neiger d'un hiver sur l'autre est très difficile en météorologie", explique Titouan Tcheng, doctorant en glaciologie au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE). "Les prévisions sont bonnes à cinq ou sept jours", complète Nathalie Huret, professeure en physico-chimie de l’atmosphère à l'Université Clermont Auvergne.

À sept ans des Jeux d’hiver, difficile, donc, de miser sur les prévisions météorologiques. Comme pour les études ClimSnow, les scientifiques s’appuient davantage sur les tendances rapportées par les modèles climatiques, "bien résumées dans les rapports du Giec", estime Titouan Tcheng, pour qui "la conclusion est claire : la couverture neigeuse et les glaciers vont fortement réduire dans les décennies à venir".

"On se dirige vers une situation avec de moins en moins d'hivers bien enneigés et de plus en plus d'hivers faiblement enneigés."
Hugues François, chercheur à l’Inrae et spécialiste de l'économie des stations de sports d’hiver.

Selon une étude de 2023 publiée dans Nature Climate Change, 93 % des stations de ski des Alpes françaises sont en péril sans neige artificielle, en cas de réchauffement climatique de +3 °C par rapport à l'ère préindustrielle. En 2022, l'Europe se situait à environ 2,3 °C au-dessus de la moyenne préindustrielle. Et selon Météo France, 2023 devrait être la deuxième année la plus chaude mesurée dans l'Hexagone.

La neige sera-t-elle "très majoritairement" naturelle ?

Il est difficile de prévoir quelle part de neige sera naturelle et quelle part sera artificielle. On peut toutefois supposer que, comme chaque saison, "les zones de retour-station, celles exposées au Sud et celles qui sont venteuses" seront partiellement ou totalement enneigées de manière artificielle, explique Alexandre Bérard, du syndicat Domaines skiables de France (DSF). L’organisation des JO "ne prend pas beaucoup de risques" à affirmer qu’il y aura de la neige dans sept ans en haute altitude, estime la chercheuse Nathalie Huret.

Pour Hugues François, la nuance se trouve dans le terme "naturel". "[L'organisation des JO] joue un peu sur les mots", considère l’ingénieur. DSF indique que les pistes françaises sont recouvertes à 90 % de neige atmosphérique, contre 10 % de neige produite. Mais le chiffre est trompeur puisque 40 % d'entre elles nécessitent une sous-couche ou un apport en neige artificielle pour se maintenir. À cela s'ajoute le damage des pistes. "La neige en station s'éloigne significativement de la neige en pleine nature", considère l'ingénieur.

Sans plan détaillé des pistes sur lesquelles se dérouleront les épreuves olympiques, il est difficile de déterminer, sept ans à l’avance, si les athlètes glisseront sur une neige tombée du ciel ou tout droit sortie d’un canon.